À chaque région sa recette! Les habitant·es du Vully diront que leur gâteau n'a rien à voir avec une salée au sucre, un gâteau à la crème de Morat ou un taillé de Goumoëns. Pourtant, toutes ces spécialités romandes ont pour point commun une pâte levée recouverte de crème et de sucre. En Suisse alémanique, le "Nidlechueche" se compose pour sa part d'une pâte brisée avec une garniture à la crème et aux œufs.

On ne sait pas exactement quand la tarte à la crème a fait son entrée dans les foyers. Mais c'était sûrement il y a longtemps. La finesse de la pâte laisse supposer que la tarte est née d'un hasard. Pour pouvoir mesurer la température du four à pierre ou à bois, on plaçait un petit morceau de pâte dans le four. Si celle-ci levait bien, c'est que le four était prêt pour le pain. On garnissait parfois ces morceaux de pâte de beurre ou de lardons pour réaliser des en-cas. Il n'est donc pas surprenant qu'un petit malin ait eu l'idée de verser de la crème sur un bout de pâte pour essayer.

Il y a plus de 5000 ans, les humains savaient déjà extraire la crème et la transformer en délices de toutes sortes. Mais comme celle-ci a toujours été une denrée rare et précieuse, le gâteau à la crème était principalement confectionné à l'occasion de festivités. Ainsi, le totché du Jura est consommé à la Saint-Martin et, dans le canton de Schwytz, on prépare une tarte à la crème avec une pâte feuilletée à Pâques.

Salée au sucre, gâteau moratois, gâteau du Vully, taillé de Goumoëns – même s'ils ne sont pas exactement pareils, ils ont le point commun d'être savoureux. Car l'ingrédient numéro 1 de toutes ces recettes, c'est la crème. La crème entière bien sûr, avec au moins 35% de matière grasse, voire la double crème et ses 45% de matière grasse.

Pourquoi le nom de "salée" pour désigner ce gâteau sucré? Parce que les Vaudois·es aiment déstabiliser leurs interlocuteurs, comme avec leur fameux "déçu en bien"? Peut-être, mais surtout parce que le mot "salé" sert à désigner différents types de gâteaux: au fromage, au lard, à la crème… En 1666, une salée désignait une pâtisserie garnie d'une sauce au fromage, à la crème, aux œufs ou au lard. Au XIXe siècle, on trouve dans le Dictionnaire suisse romand la définition suivante: "une sorte de galette aux œufs". Les œufs semblent être la base commune – eux qui conviennent autant aux préparations salées que sucrées.

On appelle les trous dans la pâte levée du gâteau du Vully les "puits d'amour". C'est là que se réunissent la crème, le beurre et le sucre – et c'est ce qu'il y a de meilleur! Pas une seule fête de village dans la région de Morat ne se déroule sans un gâteau, salé ou sucré, et un verre de vin blanc. Le gâteau du Vully est mentionné pour la première fois par écrit dans la chronique de la Société de couture du Bas-Vully, fondée en 1902. Aujourd'hui encore, cette association de femmes se réunit plusieurs fois par an pour faire de la pâtisserie ensemble.

Pas envie de sucré? Alors parlons de lardons et de cumin: ce sont les ingrédients phares du gâteau du Vully, version salée. La double crème, fidèle aux postes, est évidemment de la recette. Un autre gâteau salé, originaire d'une autre région, c'est le totché jurassien. Mais pour lui, on a choisi la crème acidulée.

Un gâteau à la crème peut se vanter d'avoir reçu de nombreuses médailles d'or: c'est le gâteau de chez Aebersold, à Morat. Le fond est une tendre pâte levée, recouverte de cinq (!) couches: de crème, de double crème et de sucre, qui lui confèrent une délicate note caramélisée. Et si vous y goûtiez lors de votre prochain passage à Morat?

À Goumoens-la Ville, il est de coutume que chaque habitant·e connaisse la fabrication du taillé de Goumoëns. Ce gâteau à la double crème se distingue par les losanges entaillés sur sa surface. L'engouement pour cette douceur est tel que tout nouvel habitant est invité à apprendre à la préparer. Depuis 1999, le village célèbre tous les deux ans la "Fête du taillé de Goumoëns", où les habitant·es apportent leurs gâteaux. Ça, c'est de l'intégration!